François Fillon persiste, insiste, et peut-être même s’entête-t-il désormais dans une candidature présidentielle définitivement polluée par le passé qui l’a rattrapé.
J’ai le cœur gros en écrivant cela.
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Je connais François Fillon depuis septembre 2003, date à laquelle je suis devenu l’intervieweur de RTL. Nous n’avons partagé, lui et moi, que des moments professionnels, entretiens publics, déjeuners en tête-à-tête, et j’ai apprécié chez lui la simplicité de la parole, la rigueur de l’analyse, ainsi qu’une humilité personnelle que l’on perçoit rarement parmi les responsables politiques parvenus au sommet de l’Etat.
J’ai toujours éprouvé pour François Fillon, par delà les désaccords ou les interrogations sur les chemins qu’il empruntait, une forme de respect professionnel pour un homme qui semblait dévoué, avec une certaine sincérité, au service de la cause publique. Les révélations sur les attitudes qui furent les siennes tout au long de sa vie politique ne modifient pas substantiellement la perception que j’ai de l’homme et de ses qualités. Mais je sais que son image publique est aujourd’hui brisée, la confiance de ses concitoyens ruinée, et que poursuivre dans ces conditions une campagne présidentielle, c’est faire du tort à l’idée même de la démocratie, qui suppose un minimum de vertu de la part de ceux qui prétendent l’incarner.
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François Fillon a commis deux fautes, dont la succession l’accable. Écartons ici la notion d’illégalité, à propos de laquelle la justice seule nous renseignera. Retenons les choix et les attitudes publiques de l’ancien premier ministre qui, hélas, le disqualifient pour poursuivre son aventure politique.
D’abord, François Fillon a profité du « système ». Il en a même abusé. Longtemps, trop longtemps, il a salarié sa femme, et même, il a demandé à son suppléant, un homme bien pâle, invisible depuis le début de l’histoire, ce qui accroît le malaise, de la salarier aussi. À certains moment, Pénélope Fillon accaparait pour elle seule la quasi totalité de l’enveloppe financière dévolue aux assistants parlementaires. À un autre moment, 2012-2013, elle cumulait cette rémunération d’assistance avec un autre salaire, celui de la Revue des deux mondes, dont la contrepartie en travail semble avoir été bien faible.
De ce seul constat, émerge une forme d’avidité à capter tout ce qui peut l’être dans l’argent public mis à disposition des parlementaires. Francois Fillon a même poussé l’indélicatesse jusqu’à employer en même temps son épouse, salarié par son assistant, et ses deux enfants, alors étudiants (2005-2007). Ainsi, la République a subvenu aux besoins de la famille, peut-être même à son bien-être, ce qui n’est en aucun cas la vocation de l’argent public.
Dans ces mêmes périodes, après septembre 2012, et pour ce que nous en savons, car il n’est pas sûr que nous sachions tout, François Fillon a accepté une rémunération élevée de la part de René Ricol, un expert comptable décoré de la Légion d’honneur quelques mois plus tôt par le même François Fillon, alors premier ministre. Il y a là un mélange, une confusion, un méli-mélo, préjudiciables à l’image de la République.
Voilà ce que j’écris le cœur gros: François Fillon a abusé du système public mis en place pour le service des citoyens. Et j’ai compris qu’aussi étrange que cela puisse paraître, François Fillon convient lui même qu’il est un profiteur du système.
J’ai regardé avec effroi, consternation, l’interview qu’il a accordé à TF1 au lendemain des premières révélations du Canard Enchaîné. A trois reprises, François Fillon a menti. Je suis désespéré d’écrire cela, car ce mensonge nous salit tous, nous qui pensons que la démocratie est un système fragile, qu’il faut défendre avec acharnement. Désespéré parce que ces mensonges proviennent d’un homme que je ne pensais pas capable de faire cela.
Mes enfants étaient avocats quand je les ai salariés au Sénat, a-t-il assuré. C’est faux. Ils n’étaient qu’étudiants. Je les ai embauchés en raison de leurs compétences. Des étudiants, c’est leur charme, n’ont justement pas de compétences encore définies.
Je les ai embauchés pour des missions ponctuelles, a-t-il précisé. Encore faux. Ils ont été salariés, l’un après l’autre, de façon continue pendant dix huit mois.
Ma femme, a-t-il enfin précisé, a travaillé bénévolement avec moi jusqu’en 1998. Faux, à nouveau. Il l’a salarié entre 1988 et 1990. C’est le Canard Enchaîné qui nous l’a appris.
Le mensonge peut dire le mépris, celui des autres. On se moque du jugement des citoyens. On se dit que tout passe dans ce monde surinformé, qu’un scandale a vite fait d’en chasser un autre. Il peut aussi dire autre chose, qui est plus tragique. A voir ainsi son attitude personnelle étalée à la vue de tous, on n’assume plus rien. Alors, dans la panique, on travestit les faits, les dates, les fictions, et l’on décrit une situation qui ne correspond plus à la réalité. C’est cette deuxième hypothèse, me semble-t-il, qui prévaut ici.
François Fillon a abusé du système. Il le sait. Il sait que tout le monde le sait. Il s’accroche à son statut politique, celui d’un candidat à qui l’Elysée était promis. On va dire que c’est humain. Mais ce n’est pas réaliste. Poursuivre une campagne publique importante pour l’avenir du pays avec, en toile de fond, ces attitudes et ces mensonges est impossible pour lui, dangereux pour nous. Le débat s’en trouve faussé, le jugement des citoyens altéré, et le risque finalement existe de voir le résultat dans les urnes affecté par ce comportement individuel gravement contraire à l’éthique nécessaire dans une démocratie moderne.
François Fillon doit stopper là sa course au pouvoir. Je comprends que ce soit difficile pour lui. Mais il le doit pour nous. C’est le dernier service que nous sommes en droit d’attendre de lui.