A J-118, MONTEBOURG, VALLS, LE PEN, TROIS VICTIMES DU GIROUETTISME

Le girouettisme est un courant idéologique solidement ancré dans la culture politique française.

Il s’agit d’une idéologie de la variabilité qui conduit ses adeptes à dire le mardi le contraire de ceux qu’ils disaient le lundi mais avec, à chaque fois, une autorité et une assurance qui dévitalisent la contradiction et éteignent les moqueries. Parmi les représentants de cette idéologie, nous trouvons dans les temps les plus récent Arnaud Montebourg, Manuel Valls et Marine Le Pen, la preuve, s’il en fallait une, que les clivages droite-gauche disparaissent dès que commencent les choses sérieuses.

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Le girouettisme contemporain concerne la défiscalisation des heures supplémentaires. La mesure fut initiée en son temps par Nicolas Sarkozy, un ex président de la République aujourd’hui à la retraite. A l’époque, 2007, une éternité, il mena une campagne présidentielle tambour battant avec un argument qui ne voulait rien dire, comme souvent lors des campagnes électorales présidentielles: « Je veux réhabiliter la valeur travail »,

La formule, creuse comme une cloche, connut une certaine fortune, ce qui n’est que le témoignage supplémentaire de la crédulité des foules capable d’acheter n’importe quelle baudruche pour peu qu’elle soit bien présentée.

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Parmi les éléments permettant de réhabiliter la « valeur travail », figurait donc cette proposition de détaxer les heures supplémentaires effectuées dans les entreprises et les administrations. Une fois élu, Nicolas Sarkozy passa de la promesse aux actes, ce qui améliora un peu, ou un peu plus selon les situations, la fiche de paie de certains salariés.

Dès ce moment là, et jusqu’à la fin du quinquennat sarkozyste, ses opposants ont critiqué la défiscalisation des heures supplémentaires. En février 2012, sur France Inter, Arnaud Montebourg pointait une « idiotie » dont la première conséquence « a été de supprimer des milliers d’emplois. » Le responsable socialiste voulait dire que le patronat, toujours méchant le patronat, plutôt que d’embaucher, multipliait les heures supplémentaires. D’où l’idée d’une suppression virtuelle des emplois.

Même raisonnement, et donc même son de cloche, à la même période, chez Manuel Valls, qui assurait que « la défiscalisation des heures supplémentaires à détruit de l’emploi. » Pensée identique chez Marine Le Pen, candidate du Front national pour l’élection présidentielle 2012, qui écrivait ceci dans son programme économique inspiré par Florian Philippot:

« Les niches sur les heures supplémentaires sont aujourd’hui totalement inadaptées à la situation de chômage de masse que subissent les Français. Elles doivent donc être abrogées. »

Après tout, pourquoi pas… Si ces dirigeants politiques pensaient les choses ainsi, ils avaient bien raison de le dire.

Du temps a passé. Nous voici à l’aube d’une nouvelle campagne présidentielle, celle du millésime 2017. Arnaud Montebourg, Manuel Valls et Marine Le Pen sont tous trois candidats. Et stupeur, tremblements et tout le toutim, tous les trois, Montebourg, Valls et Le Pen, frappés par un même girouettisme foudroyant, proposent de… défiscaliser les heures supplémentaires. Et pourquoi donc? Pour redonner du pouvoir d’achat aux salariés français, disent-ils à l’unisson. Et la destruction d’emplois? Ah ben non, ça on n’en parle plus.

La force du girouettisme est telle que lors du Grand Jury RTL, c’était le 11 décembre dernier, Marine Le Pen a même assuré ceci:

« C’était la meilleure mesure de Sarkozy »

Il faut juste prendre le temps d’analyser ce cas singulier de girouettisme pour bien comprendre ce qu’est, trop souvent, la politique en France.

Évidement, tout le monde a le droit de changer d’avis, moi, vous eux… Simplement, on peut attendre des dirigeants politiques dont les propos orientent le débat public, et les actes engagent nos vies, un minimum de cohérence et de réflexion.

Pourquoi, à partir de 2007, Arnaud Montebourg, Manuel Valls et Marine Le Pen, assurent-ils que la défiscalisation des heures supplémentaires détruit de l’emploi? Une étude analyse-t-elle ce phénomème en France? Un exemple à l’étranger pemet-il d’être catégorique avant même que la mesure soit appliquée?

Pourquoi les trois mêmes, après un quinquennat d’expérimentation, maintiennent-ils leurs positions? Des chiffres, des études, des spécialistes, nourrissent-ils leurs conclusions?

Et enfin, pourquoi cinq an plus tard, 2017, les trois mêmes aboutissent-ils à une position radicalement contraires à celle qui fut la leur? Quels chiffres? Quelles études? Quels experts?

Dernière hypothèse: et si les trois fois, 2007, 2012 et 2017, les propos tenus ne le furent qu’au doigt mouillé? Juste comme ça, histoire de dire quelque chose, d’être dans le vent, ce destin de feuille morte, nous le savons tous, mais c’est tellement agréable…

Le girouettisme, c’est exactement cela: dire quelque chose à un moment parce qu’on le pense. Peu importe si c’est juste, ou si c’est faux, l’important c’est de le penser au moment où on le dit. Et donc, bien sûr, peu importe si on a dit exactement l’inverse quelque temps auparavant puisque de toutes les façons, on aura été tout le temps sincère…

Le girouettisme, c’est ce sentiment d’avoir toujours raison, et de toujours posséder la science infuse, dont la force conduit ceux qui en sont victimes à asséner leurs vérités successives avec un aplomb et une certitude qui confère une grande autorité. On n’imagine pas que Montebourg, Valls, Le Pen ou d’autres s’expriment sur ces sujets sans avoir bûché, étudié, consulté.

Regardez, par curiosité, le passage du Grand Jury où Marine Le Pen évoque la question. Elle ne laisse la place à aucun doute, elle est sûre d’elle. D’ailleurs, les journalistes ne mouftent pas. Ils acceptent comme une vérité ce qui n’est, pourtant, qu’une fluctuation de la pensée.

On aimerait que la politique repose sur davantage de sérieux, et moins de foucades. On aimerait que les propositions soient fondées sur la réflexion plustôt que sur l’opportunisme, sur la vérification plutôt que sur l’imprécation.

On aimerait que le girouettisme s’estompe et recule dans les attitudes des responsables publics. Mais surtout, on aimerait que les citoyens soient moins perméables à cette maladie démocratique qui autorise certains des nôtres à raconter n’importe quoi pour obtenir des voix.

 

PS1 : Si Arnaud Montebourg, Manuel Valls ou Marine Le Pen, veulent évoquer publiquement les accès de girouettisme dont ils sont les victimes, ce blog leur sera bien évidemment accessible.

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