Donald Trump a 70 ans. Donald Trump est un enfant. Comme eux, il croit à la toute puissance de ses désirs.
Sceptique sur l’influence de l’homme dans le dérèglement climatique, il a fait nettoyer le site internet de la Maison Blanche, où il est entré depuis deux jours, de toutes les références sur le réchauffement maudit. Ceci fait, il a ordonné la reprise des extractions d’hydrocarbures dans les profondeurs de terres que certains voulaient conserver dans leur état originel, et permis la reprise de l’exploitation de forages de gaz de schiste.
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On comprend le raisonnement de Donald Trump. En supprimant les références écrites au réchauffement climatique, il gomme le fait même de son univers mental. Plus personne, espère-t-il, ne lui en parlera, et lui même n’en parlera plus à personne. La question étant d’une certaine manière réglée, tout ce que l’hypothèse du réchauffement climatique bloquait ou empêchait peut reprendre. D’où ses premières décisions concernant l’extraction du pétrole et du gaz des sous-sols américains.
Qu’est-ce qu’un enfant? Un être vivant dénué de l’expérience des autres. Un enfant pense que s’il veut quelque chose, il l’obtiendra. Il ne sait pas que sa volonté peut heurter d’autres volontés. Il n’imagine pas que ses désirs doivent se plier à des codes, des interdits, des injonctions, des modes, pas toutes légitimes, certes, mais toutes plus fortes que sa volonté. Et ce sont ces blocages, ces refus, ces impossibilités, ces conquêtes aussi parce que la vie n’est pas qu’une somme d’impossibilités et d’interdits, qui transformeront l’animal en être social et lui permettront de s’insérer dans la communauté des hommes.
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Donald Trump a 70 ans. Voilà longtemps qu’il a fait pour son propre compte ces expériences qui lui ont enseigné que la volonté et le désir personnel ne réglaient pas tous les problèmes, n’aplanissaient pas toutes les difficultés. Il a appris, compris, que des envies contraires aux siennes, des faits aussi, pouvaient contraindre ses propres attentes, ses espoirs et ses pulsions.
Qu’a retenu Donald Trump de ses expériences? Sûrement beaucoup de choses dans le monde des affaires puisqu’il est passé plus souvent qu’à son tour par la case « faillite », qu’il a dû emprunter même de l’argent dans des banques chinoises qu’officiellement il exècre, et probablement aussi a-t-il dû traiter avec des aigrefins dont il n’aurait fait en aucun cas des compagnons de vacances.
Dans le champ de la politique, en revanche, il demeure vierge de tout passé. Son désir prime celui des autres. Rien d’autre, ni personne, n’existe pour lui. Cet égoïsme énorme lui a permis de triompher du Parti républicain, des médias, des intellectuels, des groupes de pression les plus divers, dans sa marche vers le pouvoir, irrésistible et triomphante.
Mais le voilà désormais au centre du monde. Juge-t-il vraiment qu’il pourra se comporter à cet endroit là comme un enfant convaincu de la toute puissance de ses désirs? Pense-t-il sincèrement qu’il lui suffira de vouloir être l’ami de Vladimir Poutine pour éviter le choc prévisible des intérêts antagonistes de leurs deux pays? Croit-il sérieusement qu’il pourra à sa guise tancer la Chine et ses dirigeants qui possèdent dans leurs coffre-fort des montagnes de bons du Trésor américain, une arme de dissuasion colossale pour tout enfant qui s’imaginerait libre de ses actes face à son partenaire asiatique?
Il en va de même pour le dérèglement climatique. Ne plus y penser, ne plus en parler, en nier mentalement l’existence, ne suffira pas à le faire disparaître. L’enfant Trump buttera souvent sur cette réalité. Régulièrement, des gens entreront dans son bureau, indifférents à sa personnalité enfantine, et lui mettront en face des yeux et de la raison l’évidence d’une planète qui se réchauffe dangereusement pour les générations qui viendront après les nôtres. Donald Trump verra alors que ce qu’il veut ignorer existe, et que ses désirs devront plier devant la réalité.
En attendant cette expérience dont il ignore encore le sens profond, Donald Trump, 70 ans, s’amuse. Il manipule sans arrière-pensées ce jouet formidable qu’est le pouvoir politique, dont il a rêvé pendant si longtemps et qu’il a obtenu à force d’un acharnement puéril mais efficace.
C’est un enfant que les Américains ont élu. C’est à un enfant que se réfèrent désormais les populistes occidentaux, et notamment français. C’est d’un enfant que dépend aujourd’hui une partie du sort du monde.