A J-108, DALIDA MONTE SUR LA SCÈNE DE L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

Vu Dalida, de Lisa Azuelos. Film inventif, émouvant, et qui résonne particulièrement dans la campagne électorale présidentielle qui s’ouvre en France.

Une scène concentre et symbolise le propos du film. Dalida vient de se marier, nous sommes au cœur des années soixante, au moment où la société française s’ébroue, sort de ses archaïsmes et où chacun parmi les plus jeunes aspire à devenir ce qu’il a envie d’être. Aujourd’hui, nous appelons cela « Mai 68 », peut être parce que nous ne savons pas que « Mai 68 » avait commencé bien avant qu’il ne se produise. Une lame de fond culturelle et pas un pic mensuel d’agitations.

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Dalida, donc, se marie, sans être certaine d’aimer encore l’homme qu’elle épouse. Un mois plus tard, elle en rencontre un autre, qu’elle est sûre d’aimer cette fois, et s’en va vivre avec lui. Émoi dans la France puritaine où le curé, le patron et le père pèsent lourd, et les libertés des femmes bien peu. Mais la chanteuse s’en moque. Elle veut vivre libre et saisir son bonheur.

La scène qui résonne dans notre actualité est celle ci. A quelques temps du scandale, Dalida fait sa rentrée à l’Olympia. Des spectateurs, des hommes, interrogés avant d’entrer dans la salle de spectacle, disent leur désaccord avec « cette femme qui a trompé son mari ». Ils vont la voir chanter car le talent étouffe l’opprobre, mais ils n’aiment pas l’attitude. Sans doute comprennent-ils combien et comment elle menace l’ordre vermoulu.

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Dalida est sur scène. Elle chante comme elle a toujours chanté, avec une sincérité qui balaie les réticences du public. Pour incarner ce basculement, Lisa Azuelos choisit de montrer précisément une spectatrice qui se lève, et qui applaudit. Cette spectatrice célèbre la chanteuse bien sûr, mais aussi et peut-être surtout la femme libre, qui trouve en elle suffisamment de forces pour s’affranchir des conventions hypocrites de son époque.

Pourquoi parler de ceci alors que s’approche l’élection présidentielle de 2017? Parce que nous savons tous que l’esprit public est patiemment grignoté par la mise en cause de ce que l’on appelle « Mai 68 ». Un intellectuel organique du Front national a d’ailleurs construit un succès de librairie là dessus.

A côté d’autres considérations fumeuses, cet ouvrage condamne fermement l’esprit de « Mai 68 », accusé d’avoir miné l’autorité de l’Etat et provoqué la disparition du génie français. Sont stigmatisés dans ce pensum publié en 2015 le divorce par consentement mutuel, la reconnaissance du droit des femmes à disposer de leur corps, et d’autres dispositions inscrites dans la loi qui disent à tous, aux femmes et aux hommes, que chacun doit être libre de chercher son bonheur.

C’est par là que l’auteur du pesant pavé s’attaque rétrospectivement à Dalida. L’action serait risible s’il ne s’était pas trouvé 500.000 personnes pour l’acheter, signe que la contestation de la liberté, aussi extravagant que cela puisse paraître en 2017, n’est pas forcément marginale.

Elle progresse même à ce point qu’en 2016, ce n’est pas si vieux que cela, des personnes connues, célèbres et qui possèdent leurs admirateurs, ont remis en cause l’idée que l’interruption volontaire de grossesse puisse être financièrement assumée par la société toute entière. Proposer un moindre remboursement de l’acte c’est, derrière le mercantilisme apparent, tirer le fil qui pourrait mettre en cause la liberté des femmes, liberté qui engage aussi les hommes, et la société toute entière.

Voilà comment, grâce au travail de Lisa Azuelos, Dalida devient un personnage de l’élection présidentielle qui s’annonce, le symbole d’un combat sous jacent à certains des discours qui seront prononcés par les candidats.

Dans les urnes du printemps qui s’annonce, entre Dalida et Zemmour, chacun devra choisir son camp.

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