La primaire des Républicains approche de son terme. Le premier tour de scrutin aura lieu le 20 novembre, le second une semaine plus tard, le 27.
Aujourd’hui bien sûr, le sentiment domine d’une élection déjà jouée. Depuis plusieurs mois, de manière systématique, répétitive, les sondages classent les candidats. En tête, nous le savons, se trouve Alain Juppé. Derrière lui, Nicolas Sarkozy occupe la deuxième place. Quant à François Fillon, il apparaît dans ces études comme le troisième homme avec, encore, un potentiel de progression.
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Quel crédit faut-il accorder à ces sondages? Remarquons d’abord que de grandes précautions méthodologiques sont observées par les instituts. Les échantillons sont larges, ce qui en soi ne présente aucune garantie particulière, mais permet d’isoler à l’intérieur de cette masse la catégorie particulière des sondés qui se disent certains d’aller voter à cette primaire. Et c’est sur cette base là que reposent les résultats présentés par les instituts.
Cette méthode, longuement expliquée par les instituts eux mêmes, ce qui peut être analysé comme le signe d’une angoisse profonde de leur part, témoigne du sérieux avec lequel ces études sont menées. Mais que garantissent-elles? En vérité pas grand chose.
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Nous sommes, en ce début novembre, au moment exact où la part de l’opinion publique qui se sent concernée par cette élection regarde avec attention les différents candidats, leurs personnalités, leurs attitudes, leurs motivations, leurs programmes. Cette concentration particulière opère des effets dans le magma électoral que les sondeurs ne repèrent pas toujours. Au gré des prises de parole et des polémiques, des opinions peuvent être affermies, et d’autres ébranlées.
Un précédent est intéressant à cet égard. Lors de la campagne présidentielle 1995, les instituts qui paraissaient posséder des outils de mesure satisfaisants de l’ensemble de l’électorat français, garantissaient à Jacques Chirac une avance de voix par rapport à son adversaire de droite, Édouard Balladur. Et au soir du premier tour, la réalité des urnes valida cette prédiction sondagière. En revanche, les instituts furent pris en défaut par le score obtenu par le candidat socialiste de l’époque, Lionel Jospin.
Toutes les études effectuées au plus chaud de la campagne, mois de mars et d’avril pour un premier tour fixé au 23 avril, entretenaient le suspense sur la qualification du candidat socialiste au second tour. Entre Balladur et lui, l’issue paraissait incertaine et l’hypothèse d’une finale opposant les deux candidats de droite ne semblaient fantaisiste à personne.
Une fois les urnes ouvertes, la situation se présenta sous un jour très différend. Ce Jospin qui semblait terne à tous les observateurs, eux mêmes influencés par les sondages, parut suffisant convaincant aux électeurs qui le placèrent finalement à la première place, ce que personne n’avait ni prévu, ni annoncé. Avec 23,30% des suffrages, il devançait même assez nettement Jacques Chirac, médiocre second avec 20,80% des suffrages, alors même qu’il avait promis du bien être et de l’argent pour chacun et pour tous, soit un maximum de démagogie dont tous pensaient qu’il lui vaudrait un maximum de voix.
Cet exemple prouve que parfois les sondages sont aveugles, même s’ils sont menés avec rigueur et avec une méthodologie éprouvée. Le problème, c’est que les résultats qu’ils égrènent tout au long de la bataille électorale influencent les esprits. Un tel apparaît en position de favori et est regardé comme tel, alors que dans les profondeurs d’une opinion publique, addition de millions d’individus dont chacun arrête ses positions de manière indépendante, des perceptions et des sentiments peuvent remodeler de manière significative les grandes masses électorales.
Beaucoup d’éléments incitent à la prudence dans la primaire des Républicains. Le camp sarkozyste utilise avec efficacité ce qui peut apparaître comme des faiblesses dans le dispositif d’Alain Juppé. L’impression d’une prudence, d’une forme de naïveté, d’une présence trop importante de François Bayrou, tout cela peut affaiblir Alain Juppé face à un électorat inquiet et radicalisé. A force de taper sur ce clou, les partisans de l’ancien président de la République peuvent-ils ramener le maire de Bordeaux à un score qui serait une déception au premier tour et ouvrirait une perspective pour le second?
A l’inverse, la tentative de retour de Nicolas Sarkozy semble difficile. Avoir été demeure le principal problème du président de la République, qui n’a pas vraiment réussi à rendre légitime son retour autrement que par l’ambition personnelle de l’opérer. Ceci pourrait-il profiter, dans la dernière ligne droite, à François Fillon qui s’est réveillé assez tard mais qui paraît disposer aujourd’hui de davantage d’énergie que ses concurrents?
Tout ceci doit conduire à une grande prudence. Faute de différences majeures entre les candidats, les choix que les électeurs opéreront dans l’intimité de l’isoloir reposeront sur des éléments subjectifs dont nous ne mesurons ni l’ampleur, ni sans doute la diversité. Dans ces conditions, mieux vaut chasser de son esprit l’idée qu’il existe déjà un vainqueur et un vaincu et attendre patiemment que les électeurs livrent leur verdict, ce qui est bien le moins dans une démocratie.