L’EXTRÊME MAUVAISE FOI DE FRANÇOIS FILLON

Si l’on reprend avec un peu de recul, quelques heures, les déclarations de François Fillon lors de sa conférence de presse, on découvre quelques traits de caractère demeurés jusqu’ici inconnus de l’ancien premier ministre.

Son rapport à la vérité, ou plus sobrement à la réalité, apparaît très problématique. Déjà François Fillon avait surpris son monde en proférant trois mensonges, dûment établis depuis, lors de son passage au journal de 20 heures de TF1. Il a récidivé lors de la conférence de presse en évoquant des regrets qu’aurait formulé la journaliste britannique auprès de sa femme, Pénélope, pour l’utilisation de leur interview commune réalisée en 2007. Aussitôt, cette journaliste a démenti les propos de l’ancien premier ministre, niant tout contact avec son épouse. « Je n’ai même pas son portable », a dit drôlement la journaliste, pour bien signifier l’invention pure et simple des regrets qui lui ont été prêtés.

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Dans un registre proche de la fabulation, François Fillon a évoqué les emplois parlementaires de ses proches en les qualifiant de « légaux et transparents ». Si le premier qualificatif peut être admis, sous réserve d’une approbation de la justice, le second est totalement irrecevable. Jusqu’en 2013, l’opacité la plus complète régnait sur les emplois d’assistants parlementaires. Les qualifier de « transparents » relève donc de la grosse blague. Ainsi, dans le cas d’espèce, nous ne savions pas qu’entre septembre 2005 et juin 2007, la femme et les enfants de François Fillon étaient rémunérés par là Républiques, au travers de ses assemblées parlementaires. Si nous l’avions su, sans doute nous serions nous moqués, car parfois seule l’ironie permet de digérer la colère, de cette préférence familiale à la sauce sarthoise.

D’ailleurs, c’est à ce propos que la mauvaise foi de François Fillon a éclatée lors de sa conférence de presse. «Ce qui était acceptable hier, à défaut d’être accepté, ne l’est plus aujourd’hui, a-t-il déclaré. En travaillant avec ma femme et mes enfants, j’ai privilégié cette collaboration de confiance qui aujourd’hui suscite la défiance. Je regrette de ne pas avoir compris plus tôt les évolutions de l’opinion sur ces questions».

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La phrase est belle, mais aussi totalement fausse. L’opinion n’a tout simplement jamais imaginé qu’un parlementaire pouvait avoir l’idée saugrenue de faire vivre toute sa famille sur son mandat parlementaire. Il n’y a, sur ce point, aucune évolution des Français. S’ils avaient su, en 2005 ou 2006, que femme et enfants Fillon étaient tous payés par l’Assemblée nationale et le Sénat, il est certain qu’ils auraient regimbé fortement. Évoquer donc aujourd’hui une évolution des pensées, dans le seul but de légitimer ces mœurs profiteuses, est assez foutraque.

Ceci l’est d’autant plus que dans cette période là, les rémunérations versées aux uns et aux autres sont nettement supérieures à ce qui semblait être l’usage. Pénélope, par exemple, perçoit entre 6000 et 7000 euros de la part du suppléant de François Fillon, un certain Marc Joulaud, surtout remarquable pour sa faible participation législative entre 2002 et 2007. Quel travail en or à donc accompli l’épouse de François Fillon pour mériter sa rémunération? Les enfants de leurs côtés, nous le savons désormais, ont soit aidé leur père à écrire un livre, soit contribué à la campagne 2007 de Nicolas Sarkozy. Des activités qui n’ont rien à voir avec les travaux du parlement. Si ces emplois avaient été aussi transparents que l’assure François Fillon, le scandale lui aurait secoué le nez beaucoup plus tôt que ça.

A propos du contenu de ces emplois, justement, le candidat des Républicains à la présidence de la République a eu une phrase curieuse, trop peu relevée lors de sa conférence de presse. « Au nom de la séparation des pouvoirs, a-t-il dit, personne n’a le droit de juger du contenu du travail des assistants parlementaires. » Cette formulation est assez extraordinaire. Elle place les parlementaires dans une situation exhorbitante du droit ordinaire. Personne, si cette formulation était retenue, n’aurait le droit de fouiner dans les pratiques des députés et des sénateurs qui dépenseraient à leur guise et sans contrôle les enveloppes financières qui leur sont fournies pour leur travail législatif. Faut-il que François Fillon se sente mal à l’aise avec sa propre histoire pour fourbir une énormité pareille. Et d’ailleurs, comment concilier cette phrase avec la « transparence » évoquée plus haut? On mesure là la confusion de son esprit.

Le souci prioritaire de François Fillon, chacun l’a compris, est de demeurer candidat à l’élection présidentielle. En se défendant comme il le fait, et même s’il le fait très mal, il contraint tous ses amis au silence et à une solidarité de façade. Il bloque le jeu dans son parti et transforme la moindre critique en traîtrise. Fut-elle un calvaire, il entend mener jusqu’au bout sa campagne électorale. Jamais, en tout cas dans mon souvenir, un aveuglement pareil face à la réalité et au jugement de l’opinion publique n’a existé au sommet de la compétition politique française.

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