Sachez-le: Marine Le Pen a perdu 12 Kgs. Vous vous en moquez? Moi aussi, pour vous dire la vérité. Je m’en moque, mais je m’interroge. Je sais que le sort de la France ne dépend pas de ce mouvement de la balance lepéniste. Je constate cependant que la candidate à la présidence de la République, qui ne fait rien par hasard dans sa quête de pouvoir, a profité d’une rencontre avec une journaliste de Paris Match pour glisser cette information kilogrammée qui nous indiffère, vous et moi.
Soyons précis. Le numéro 3531 de Paris Match, daté du 19 janvier 2017, met à sa Une l’actrice Sophie Marceau, pour cette raison curieuse qu’elle a perdu sa maman. Aucune mention n’est faite sur cette Une des quatre pages (52 à 55) que l’hebdomadaire consacre à la présidente du Front national. Plusieurs photos et titres encadrent un récit signé par Virginie Le Guay, journaliste politique du titre. L’idée générale est que Marine Le Pen a accéléré son entrée en campagne. Prévue pour début février, à Lyon, où elle dévoilera son programme, elle en a modifié le tempo en déboulant sur la scène dès le 10 janvier. « J’avais des fourmis dans les pattes« , assure Marine Le Pen dans Paris Match. Et l’article qui restitue cet aveu met en scène le punch, l’envie d’en découdre, l’optimisme, qui caractérisent l’état d’esprit actuel de la présidente du Front national.
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C’est dans cet ensemble qu’à deux reprises, Paris Match et Virginie Le Guay évoquent la perte de poids de Marine Le Pen. Une légende photo de la page 53 indique ceci:
Après une diète médiatique et douze kilos en moins, la présidente du Front national est prête au combat.
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Il faut noter que l’hebdomadaire ne mentionne pas à cet endroit la cause de cette perte de poids. Il livre l’information sans l’expliquer, en jouant d’ailleurs, pour une raison que l’on ignore, avec le mot diète.
La seconde mention de ce fait est située dans la deuxième colonne de la page 54. On y lit ceci:
Présidente du Front national depuis 2011, Marine Le Pen, délestée de 12 kilos et reposée par ses vacances de Noël en famille, est impatiente a 48 ans, de briguer l’Elysée pour la seconde fois.
Là encore, l’amaigrissement est mentionné, mais toujours pas expliqué. Ce qui est tout de même étrange.
Virginie Le Gay, la journaliste de Paris Match, n’a pas déterminé toute seule la perte de poids de Marine Le Pen. Si elle est aussi précise dans son papier, capable de quantifier le phénomème au kilo près, c’est parce que, directement ou indirectement, la candidate du Front national lui a confié l’information. Mais le souci de transparence de la présidente du Front national ne va pas jusqu’à donner les raisons de cette perte de poids. Régime volontaire ou ennui de santé? Conséquence d’une privatisation de nourriture ou intervention chirurgicale? Nous ne le savons pas.
On peut imaginer que si la journaliste de Paris Match avait connu la cause des ces douze kilos perdus, elle l’aurait écrite. Il est en effet curieux de mentionner un fait dans un papier sans en expliquer l’origine, curieux de livrer un fait brut à ses lecteurs sans en dévoiler les raisons. Par ailleurs, on comprend mal pourquoi de son côté la responsable politique dévoile cette information personnelle sans l’expliquer davantage. Après tout, rien n’obligeait Marine Le Pen à faire connaître sa perte de poids. On peut considérer que ceci relève de son intimité et n’a pas à être connu du public. Or, Marine Le Pen procède à l’inverse. Elle fait savoir qu’elle a perdu douze kilos. Ce que retranscrit la journaliste de Paris Match. Cet amincissement relève-t-il d’une volonté d’affûter la silhouette pour approcher d’une forme optimale à la veille du grand combat politique? Si c’était le cas, l’histoire serait belle et participerait à l’écriture de la légende d’une femme qui donne tout pour son pays, y compris son surpoids. Mais faute d’avoir été écrit, ceci relève d’une simple supposition.
Faut-il déduire de cette occultation des causes que c’est la maladie qui est à l’origine de la perte poids? Si l’explication n’est pas donnée, est-ce parce qu’elle est embarrassante? Mais si tel est le cas, alors, pourquoi avoir donné l’information elle-même? Dans quel but? Avec quelle intention?
Le piège s’est vite refermé sur Marine Le Pen. Sitôt l’hebdomadaire livré au public, ces douze kilos disparus ont intrigué. Ainsi, l’émission La nouvelle édition, présentée par Daphné Bürki, le midi, sur C8, a dépêché un journaliste pour questionner la candidate sur le sujet. « Paris Match dit que vous avez fait un régime, s’agit-il d’un sujet pour vous?« , a-t-il demandé à la présidente du Front national, croisée jeudi matin à la sortie d’un studio de radio. Il faut noter l’erreur contenu dans la question, la mention d’un régime ne figurant pas dans l’article de Paris Match.
La réaction de Marine Le Pen est à la fois prévisible et déroutante: « Faut faire combien d’études de journalisme pour poser ce genre de questions? » Le mépris, oui, mais si la question vous est posée, madame, c’est parce que l’information que vous avez tenue à rendre publique est incomplète. Et tant qu’il en sera ainsi, vous risquez d’être confrontée à de nouvelles demandes. À qui d’autre vous en prendre alors qu’à vous même, puisque vous n’étiez pas obligée de signaler un fait que personne n’avait remarqué, et que vous auriez pu conserver dans votre intimité?
L’épisode fait penser au mensonge que Francois Hollande a laissé s’installer au début de l’année 2011. Le 30 mars de cette année là, dans une intervention effectuée depuis la ville de Tulle, en Corrèze, il se déclare candidat à la présidence de la République. Il apparaît alors en bonne forme mais amaigri, le visage creusé, le cou flottant dans un col de chemise devenu trop large. Son entourage répond volontiers aux questions posées par les journalistes. Compétiteur d’exception, François Hollande aurait suivi un régime fameux qui aurait fait disparaître la graisse et n’aurait laissé que le muscle. Il fallait voir dans cette transformation la marque de sa détermination à devenir le président de la République qu’il est devenu. Tous les papiers de l’époque mentionnent cette version sans poser davantage de questions.
Il faudra attendre le 4 décembre 2013 pour comprendre que cette version était un mensonge. Ce jour là, la radio France Inforévèle que le président a été opéré de la prostate quelques semaines avant sa déclaration de candidature et que l’amaigrissement constaté était consécutif à cette intervention chirurgicale, et non à un régime. D’ailleurs, ce mensonge a été maintenu après l’élection victorieuse, à l’occasion de deux bulletins médicaux publiés par le médecin de l’Elysée qui assurait que l’état de santé de son patient était normal, ce qui n’était pas tout à fait le cas.
Cette histoire nous renvoie à la difficulté chronique que connaît la démocratie française sur la santé de ceux qui dirigent l’Etat. Nous ne parvenons pas à trouver un équilibre satisfaisant entre la nécessaire préservation du secret médical du président, et la certitude de sa capacité à exercer son mandat. Faute d’avoir mis au point un système qui concilie ces deux exigences également légitimes, nous encourageons le recours aux mensonges dont ont abusé Georges Pompidou et François Mitterrand, et dont a usé François Hollande.
Nous élirons un nouveau président de la République le 7 mai 2017. Nous pouvons légitimement demander à François Fillon, Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron, au candidat socialiste et à Marine Le Pen, des nouvelles précises, mais non intrusives, de leur état de santé. La motivation est simple: êtes-vous dans un état de forme physique ou psychologique qui vous permet de faire face à la lourde charge de travail que vous réclamez à vos concitoyens?
C’est dans le cadre ainsi tracé que la question doit être posée à la candidate du Front national. Quelle est la cause de votre perte de poids récent? S’il s’agit d’un régime, qu’elle le dise. Personne n’ira faire une enquête alimentaire pour vérifier la sincérité de sa réponse. Nous lui ferons confiance, n’imaginant pas qu’elle recoure elle aussi à la dissimulation et au travestissement de la vérité. Mais si la cause est différente, alors, il faudra l’expliquer, sans entrer dans des détails qui violeraient l’intimité de la présidente du Front national, mais en donnant des explications suffisantes pour rassurer les Français sur sa capacité à exercer le pouvoir, si les citoyens décidaient de le lui confier.
Ce papier n’est pas écrit dans un but polémique, encore moins avec une intention offensante, et pas du tout dans l’esprit d’une provocation. Ce papier existe parce que Marine Le Pen a livré d’elle même une information incomplète. La sagesse populaire assure qu’une porte doit être ouverte ou fermée. La candidate a ouvert celle qui dit le poids de sa balance. Elle est donc responsable du vent qui s’engouffre désormais par cette porte qui n’est plus fermée.