Autant le dire sans détours: la primaire des socialistes apparaît flasque et morne. Plusieurs raisons se cumulent pour expliquer ces sentiments.
1/ D’abord, son illégitimité. Dans une démocratie, une primaire concerne essentiellement un parti qui postule au pouvoir. Ou bien, exemple américain, un parti dont le président ne se représente pas, pour cause de limitation à deux mandats consécutifs. En France, en 2017, le parti socialiste ne remplit aucune de ces conditions. Il est au pouvoir depuis 2012. Le président pouvait, théoriquement, se représenter. Son renoncement signe un échec qui atteint l’ensemble de ce parti et colore d’une forte artificialité l’ensemble du processus de la primaire.
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2/ Parmi les sept prétendants, aucun candidat ne défend le bilan de l’action menée depuis cinq ans. Au sens premier du terme, la situation est extraordinaire, et aussi terriblement anormale dans une démocratie. Du coup, la primaire des socialistes ressemble à une opération de blanchiment politique, personne n’assumant ce qui a été fait au gouvernement durant la dernière législature.
3/ De tous les candidats, c’est Manuel Valls qui se trouve le plus pénalisé par ce constat. Il donne à tous le sentiment de vouloir faire oublier son titre et son statut d’ancien premier ministre. Ce qui l’amène à renier une partie de ses choix gouvernementaux, à se contredire aussi par rapport à des positions antérieures. Au total, sa démarche semble insincère, ce dont il souffre visiblement, et pourrait produire un résultat catastrophique dans les urnes.
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4/ Arnaud Montebourg, son principal challenger, ne profite pas de cette situation. Les raisons tiennent, pour l’essentiel à sa personnalité. La séduction qu’il dégage, son originalité et son talent, paraissent plombés par une légèreté personnelle qui ne permet pas l’installation de la confiance. Quand au fond, la sophistication de son discours protectionniste le rend inaudible aux électeurs de gauche intéressés par la doctrine. Ceux là ont repéré depuis longtemps les propositions plus claires et plus tranchées de Jean-Luc Mélenchon, ce qui réduit d’autant l’attrait d’Arnaud Montebourg.
5/ Candidat de dernière minute, Vincent Peillon peine à convaincre de l’utilité de sa démarche. Pourquoi est-il sorti de sa retraite? Pour embêter Manuel Valls et venger Francois Hollande de l’attitude agressive de l’ancien premier ministre à son égard. Cela tout le monde l’a compris, mais c’est un peu court pour donner aux sympathisants de la gauche l’envie de le désigner comme leur représentant à l’élection présidentielle. D’une certaine manière, la candidature de Vincent Peillon souligne la médiocrité de cette primaire, ce qu’il pourrait payer cher au moment du vote.
6/ Dans cette océan de faiblesses, Benoît Hamon apparaît comme un homme fort. D’abord, il respire la sincérité, et il est un peu le seul, en développant les positions dont il a peu varié au fil des ans. Ensuite, il témoigne d’une certaine originalité, ce qui est toujours bien vu dans un électorat socialiste qui développe depuis ses origines une aptitude particulière aux rêves et aux chimères. Pour autant, ceci ne suffit pas à transformer Benoît Hamon en candidat crédible. Ni ses expériences politiques passées, ni même ce qu’il a montré de sa psychologie, ne permettent de le regarder comme un chef, un patron, c’est à dire un futur président de la République. Sa côte de sympathie actuelle, qui semble réelle, résulte plus de l’hypocrisie et de l’insignifiance de ses concurrents que d’une adhésion nette et franche à ses idées ou à sa personnalité.
7/ Trois autres candidats participent à cette primaire, au titre de la présidence qu’ils exercent sur des formations associées au parti socialiste. Généralement dans ce genre de situation, une seule personne suffit à remplir ce rôle dans des primaires similaires. Qu’il y en ait trois dit bien le manque total de maîtrise du processus par ses organisateurs.
8/ La primaire du parti socialiste souffre aussi de la comparaison avec celle des Républicains qui l’a précédée. Conçue de longue date, exécutée sans une fausse note, mettant aux prises des personnalités fortes qui aspiraient au pouvoir et n’en sortaient pas, elle forme une perfection que celle du PS n’atteindra jamais. De quoi décourager un large cercle de citoyens potentiellement intéressés par cette compétition mais qui s’en détournent sitôt qu’ils en perçoivent les ressorts manichéens.
9/ La vitalité à l’extérieur de cette primaire de Jean-Luc Mélenchon et d’Emmanuel Macron contribue à dévitaliser la consultation démocratique à laquelle se livre le parti socialiste. Des électeurs frustrés, et ils semblent nombreux, perçoivent ces deux candidatures comme des substituts acceptables à leur déception, ce qui renforce l’inutilité de la démarche à laquelle se livre un parti au pouvoir et qui n’assume pas de l’avoir été.