La campagne électorale de la primaire de la Belle alliance populaire – appellation sensuelle qui camoufle l’addition de groupuscules inconnus à un parti socialiste en voie de décomposition – fabrique un paysage politique contradictoire. D’un côté des sondages qui établissent une domination écrasante de l’ancien premier ministre Manuel Valls sur ses rivaux. De l’autre l’impression dominante d’un épais malaise dans lequel s’enfonce et se débat chaque jour davantage l’ex-chef de gouvernement.
Peut-être cette contradiction n’est-elle qu’apparente. Les sondages, sur la pertinence desquels personne ne parierait une chemise usée, révèlent surtout la faiblesse de l’opposition à laquelle se trouve confronté l’ancien locataire de Matignon. Le parcours sinusoïdal d’Arnaud Montebourg, la faible expérience gouvernementale de Benoît Hamon, le come-back surprenant du romancier-philosophe Vincent Peillon, l’inanité des trois inconnus qui complètent ce plateau des primaires, se conjuguent pour priver Manuel Valls de toute concurrence crédible. C’est en ce sens que sa victoire dans cette compétition apparaît aujourd’hui certaine dans les sondages. Et pourtant, on sent bien la difficulté qu’éprouve le favori à trouver le ton juste dans cette campagne, ce qui en rend l’issue très incertaine.
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La situation de Manuel Valls est assez simple à exposer. Il vient de gouverner la France pendant deux ans et demi. Normalement, logiquement, rationnellement, il devrait revendiquer l’action menée, l’exposer aux électeurs, la défendre, en proposer le prolongement pour les cinq années qui viennent et formuler, à partir de ce socle, des propositions nouvelles pour adapter son activité prochaine aux temps actuels.
Au lieu de cela, le candidat paraît avoir l’action honteuse. Il ne parle jamais de ce qu’il a fait en matière économique et sociale de manière positive et convaincante. Il évoque toujours succinctement, en diffusant le sentiment d’un grznd embarras, le pacte de solidarité, le CICE, la loi El Khomri, tout ce qui dessine ce que les bétassous appellent la politique de l’offre, et qui n’est rien d’autre que la reconnaissance de ce fait simple que ce sont les entreprises qui créent des emplois dans une économie ouverte à la concurrence. On comprend, à l’écouter, le voir, le regarder, que Manuel Valls est culpabilisé par la pensée dominante de la gauche éternelle issue du fond des âges de la pensée de la gauche éternelle, qui criminalise l’entreprise et ceux qui les dirigent. Or justement, ce qui a fait son succès dans sa jeunesse, c’est son inaccessibilité à ce sentiment de culpabilisation.
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Le Manuel Valls d’avant bousculait les codes et les dogmes. Il parlait comme il pensait, en se moquant du qu’en-Martine-Aubry-dira-t-on. Il n’aimait pas l’impôt sur la fortune et le disait. Il n’aimait pas les 35h et le disait. Il n’aimait pas ces sempiternelles propositions de relance de l’économie qui accroît les déficits et profite aux importations qui exportent le chômage et il le disait. Et maintenant, il ne dit plus rien puisqu’il dit comme les autres.
Quand Manuel Valls parle, on ne l’entend plus. Et c’est bien là son problème.
En revanche, on l’entend quand il geint. Ce qui accroît son problème. Le voilà l’autre soir sur France 2, face à Léa Salamé et David Pujadas. A nouveau lui est posée la question de ce 49.3 qu’il veut supprimer après l’avoir utilisé. Comment ne pas questionner encore et encore ce retournement qui est un renoncement? Comment ne pas se pencher encore et encore sur ces actions qui ne sont pas assumées?
A nouveau, Manuel Valls tente de se sortir du piège dans lequel il s’est enfermé tout seul. Il sent bien que la mâchoire de la mécanique qu’il a lui même installée est en train de le broyer. Et il se débat, ce soir encore, sans trouver l’issue…
Le 49.3, dit-il dans une phrase que lui ont peut-être soufflé des gens qui veulent l’aider, m’a été imposé par les députés socialistes frondeurs.
On peut comprendre son raisonnement, qui est politique. Oui, une partie de sa majorité lui faisait défaut, alors il a dû employer l’arme fatale pour préserver son autorité. Cela se tient. Mais ce n’est pas cela que l’on entend. Ce que l’on entend, c’est un enfant qui se plaint.
Je ne voulais pas l’utiliser ce 49.3, entend-on, mais on m’a obligé, madame, on m’a obligé, monsieur. Je vous jure, je suis un gentil garçon, je ne voulais pas faire de mal…
On pourrait dire de Manuel Valls qu’il s’est installé dans la peau d’un délinquant par rapport au catéchisme de la gauche dont il réclame aujourd’hui l’onction. Il pense qu’en demandant pardon, peut-être obtiendra-t-il l’absolution et ainsi le droit de représenter sa famille dans la grande compétition présidentielle.
Le calcul parait hasardeux. Pour l’instant, cette repentance l’affaiblit, et ne fait que cela. Elle efface ce Valls qui résistait à la pensée dominante de son camp. En résistant, il montrait sa sincérité. En capitulant, il expose son insincérité. Comment désigner quelqu’un qui sonne faux? Voilà le défi auquel se trouve confronté Manuel Valls dans cette primaire de la Belle alliance populaire dont les sondages assurent aujourd’hui qu’il en sortira vainqueur, ce qui devrait l’inquiéter plutôt que le rassurer.