Il avait disparu, le revoilà…
Francois Fillon est intervenu hier soir, mardi 3 décembre, dans le journal de 20 heures de TF1. Un retour censé calmer l’inquiétude de ses partisans, alarmé par l’absence du candidat pendant un mois, mais aussi par les flottements constatés sur la formulation de certaines de ses propositions. Pour l’absence, c’est réglé. Pour les flottements, ça continue.
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L’intervention de Francois Fillon avait une vocation assez générale. Il s’agissait, dans l’intention du candidat, d’apparaître, seulement cela, pour gommer le sentiment de la disparition, et de faire passer un message, un seul: je ne change rien à mon programme, je maintiens tout, je ne suis pas homme à varier aux premiers vents.
La difficulté, c’est que pour accomplir son travail de manière crédible, un responsable politique doit faire face à cette bête hybride, mi-homme mi-écervelé, que les Français, soit-disant, détestent et que la sociologie nomme « journaliste ». Certes, les décideurs tentent de plus en plus de zapper cet embarrassant personnage du théâtre public, notamment en utilisant les réseaux sociaux, Twitter et YouTube par exemple. Mais parfois, ils doivent en revenir aux recettes classiques et solliciter un médiateur pour donner une touche d’authenticité à leurs discours pré-construits.
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Voilà le raisonnement qui a conduit Francois Fillon sur le plateau de TF1. Il espérait une promenade de santé. Il a subi un petit calvaire en ce sens qu’il n’a pu masquer ni ses faiblesses, ni ses hésitations. Embêtant quand le marketing politique de la campagne repose sur l’idée d’un homme résolu et serein.
Évidemment, l’une des premières questions a porté sur la Sécurité sociale. Et de nouveau, François Fillon a cafouillé. Il a répété qu’il voulait réformer la Sécurité sociale, menacée selon lui par la répétition des déficits. Le constat est juste. Mais comment, à partir de là, résoudre le problème? Le candidat a été incapable de le dire. En novembre, durant les débats de la primaire des Républicains, il avait indiqué clairement qu’il fallait, selon lui, réserver à la Sécurité sociale le remboursement des maladies graves et des affections de longue durée. Pour le reste, pour les « petits risques » comme on les appelle improprement, il fallait solliciter davantage les assurances privées.
La position a suscité de l’inquiétude et motivé des demandes d’éclaircissements. Jusqu’à présent, et encore sur le plateau de TF1 pour sa rentrée politique, François Fillon a été incapable des les apporter. Ceci est ennuyeux pour lui. L’image qu’il voulait donner, celle d’un programme minutieusement pensé, d’une préparation générale professionnelle et réfléchie, se trouve ainsi gravement ébréchée. Et aussi celle d’un homme résolu qui se tient aux décisions prises parce que celles ci ont été lentement mûries.
Ce qui apparaît à l’inverse, c’est que des propositions ont été hâtivement formulées, au point qu’elles ne résistent pas, telles qu’elles l’ont été, aux projecteurs du débat public. Une défaillance qui ternit aussi l’image du personne public, soudain imprécis et hésitant, alors qu’il voudrait tant nous faire croire qu’il est l’inverse.
Un même constant peut être dressé à propos de la suppression de 500.000 postes qu’il préconise durant son quinquennat, si les Français lui offrent la possibilité de l’accomplir. Là aussi, le projet paraît flou. Où, c’est à dire dans quelles administrations, ces postes seront-ils supprimés? Sur la base de quels critères? En fonction de quels objectifs?
Sitôt qu’il est confronté à ces questions précises, et légitimes, François Fillon donne le sentiment de perdre pied. Il précise que ni la police, ni l’armée, ni la justice, ne seront confrontés à cette politique. Et par ailleurs, ajoute-t-il, une augmentation de la durée du temps de travail des fonctionnaires qui demeureront en poste compensera le départ des titulaires. Sur TF1 ce mardi 3 janvier, Francois Fillon a ajouté cette précision supplémentaire:
« Le chiffre de 500.000 suppressions de postes dans la fonction publique est atteignable en renégociant le temps de travail. »
Normalement, une précision permet de clarifier une position. En l’occurrence, celle ci l’obscurcit.
A l’origine, la suppression du nombre de fonctionnaires doit conduire à des économies pour le budget de l’Etat. En indiquant sa volonté d’ouvrir une négociation sur le temps de travail des fonctionnaires restants, Francois Fillon suggère qu’ils devront travailler plus et donc qu’ils seront payés plus pour cela. Du coup, la question de l’économie réelle est posée. Ne risque-t-on pas de redonner d’une main ce que l’on économise de l’autre? Le candidat est-il capable de dire aujourd’hui quel est le gain budgétaire espéré une fois la balance faite de ces départs et de cette négociation? Ou bien propose-t-il la mesure, puis son correctif, sans réellement posséder toutes les données de ses décisions, ce qui ne serait pas très sérieux?
Et puis, que signifie une renégociation du temps de travail, par exemple, dans l’hôpital public? François Fillon suggère-t-il que l’amplitude de travail des infirmières sera augmentée? Alors même que déjà elles croulent sous la tâche?
Une autre question se pose, si l’on s’en tient aux propos de François Fillon. Selon lui, toutes les administrations ne seront pas touchées par les suppressions de postes. Logiquement, celles qui ne seront pas concernées ne devraient pas non plus voir leur temps de travail augmenter. Ceci veut-il dire que nous aurions bientôt deux types d’administrations? Les unes travailleraient 35h, les autres 39h? Est-ce cela, son calcul? Ou bien voit-il les choses différemment?
Le sentiment qui s’installe, c’est que Francois Fillon a empilé les idées sans forcément anticiper leurs conséquences. Il ne serait pas le premier à le faire, ni le seul dans l’élection présidentielle qui s’annonce. L’habilité suprême, certains y sont parvenus magistralement dans le passé, c’est de dissimuler ce qui peut paraître parfois comme de l’amateurisme.
Pour sa part, et c’est le problème du candidat en ce début d’année, Francois Fillon n’y parvient qu’imparfaitement.
PS1: s’il le souhaite, bien sûr, Francois Fillon peut livrer les précisions nécessaires sur ce blog qui les accueillera avec plaisir.