Un programme, dans la perspective d’une élection, c’est une musique qui vous emporte, ou pas. On ne retient de projets élaborés qu’une, deux ou trois mesures et ce qui importe surtout, c’est une impression d’ensemble, qui séduit, ou pas…
Candidats à la primaire du parti socialiste, Manuel Valls et Vincent Peillon rendront publics leurs programmes respectifs dans les prochaines heures. Arnaud Montebourg a déjà publié de nombreuses propositions et se réserve le droit d’en faire encore. Quant à Benoît Hamon, ancien ministre de l’éducation du gouvernement Valls, il a publié un projet complet que l’on peut consulter sur le site internet qui porte son nom.
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L’accueil a été flatteur. Pas tant l’accueil à son programme d’ailleurs qu’à sa démarche, à sa personnalité. Benoît Hamon est regardé avec sympathie par… on ne sait pas trop qui, justement, mais il est indéniable qu’il y a de la sympathie autour de lui. Beaucoup évoquent sa candidature comme celle d’un outsider qui pourrait, le moment venu, créer la surprise et faire chanceler ceux que l’on désigne comme les favoris de la primaire: Manuel Valls, Arnaud Montebourg…
Puisque la musique a l’air belle, j’ai été voir les paroles. L’intitulé de la campagne de Benoît Hamon est le suivant: « Mes propositions pour Faire battre le cœur de la France ». Honnêtement, c’est plus clair et direct que la promesse de Manuel Valls: « Faire gagner tout ce qui nous rassemble ».
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La première proposition de Benoît Hamon concerne le « Revenu universel d’existence ». La promesse est à la mode et il faudrait être bien chafouin pour mettre en regard de cette proposition la grande maladie de nos finances publiques. Le candidat se propose dans un premier temps, et s’il est élu président de la République, d’augmenter le RSA de 10% pour ceux qui en bénéficient, d’étendre ensuite cette allocation à l’ensemble de la tranche d’âge 18-25 ans, et de stabiliser enfin cette allocation universelle à 750 euros.
Quel serait le coût global de cette allocation? Comment serait-elle financée? Qu’apporterait-elle réellement à la société? Quels en seraient les effets directs, indirects, positifs, pervers, pour l’économie française? Le programme accessible ne dit rien de cela… Il faut donc se contenter du son harmonique et ne pas chercher à lire les notes qui la composent.
Le candidat annonce par ailleurs « une revalorisation immédiate du SMIC et des minima sociaux à hauteur de 10% », et procéderait de même pour l’indice de la fonction publique.
Combien cela coûterait-il à l’Etat? Et aux entreprises? Ces revalorisations auraient-elles des répercussions sur l’ensemble de l’échelle des salaires? Au bénéficie du pouvoir d’achat ou au détriment de la compétitivité? Et ce surplus de pouvoir d’achat favoriserait-il des importations ou de la production française?
C’est une suggestion parmi d’autres, et elle vaut pour tous les candidats dont nous nous efforcerons, ici même, au fur et à mesure de la campagne, de passer le programme a une paille de fer relative: il faudrait rendre obligatoire, pas par la loi mais la simple persuasion, l’accompagnement des promesses par une étude d’impact suffisamment élaborée pour que l’on se rende compte des conséquences des mesures préconisées. Ici, autant le dire simplement, une telle étude manque cruellement car tout augmenter est facile à dire. Est-ce faisable? Souhaitable? Pertinent?
Le candidat propose aussi ceci: « Organiser la baisse du temps de travail par un droit inconditionnel au temps partiel accompagné d’une compensation salariale ».
Que veut dire « un droit inconditionnel au temps partiel »? Faut-il comprendre que si un salarié le souhaite, il l’impose à l’entreprise qui l’emploie? Ceci, au mépris de toute organisation? Dans une forme d’égoïsme absolu? Ou bien la formule veut-elle dire autre chose? Mais quoi?
La « compensation salariale »? Qui la verse? L’entreprise? L’Etat? Une caisse de solidarité alimentée par un nouveau prélèvement fiscal?
Beaucoup d’imprécisions pour une mesure qui se veut originale et à laquelle on n’y comprend à vrai dire rien.
Quittons le champ de l’économie où il y a encore beaucoup à dire, mais en dire plus serait abuser de votre patience. Évoquons deux propositions qui relèvent de l’organisation de la République. La première concerne le retour au septennat pour le mandat présidentiel; la seconde parle d’un 49.3 citoyen. Ces deux propositions s’inscrivent dans la mise en œuvre d’ « Une République bienveillante et humaniste », objectif avec lequel on aurait du mal à être en désaccord.
Benoît Hamon écrit ceci: « J’établirai un mandat présidentiel non-renouvelable de sept ans ». Pourquoi sept ans et pas cinq ans? Quelle logique justifie cet allongement? S’agit-il d’expériences étrangères ou d’une intuition personnelle? Et puis cette notion de non-renouvelable n’est-elle pas profondément contraire à l’idée même de la citoyenneté? Ne faut-il pas donner au moins une fois aux citoyens, peut-être une seule fois, la possibilité de porter un jugement sur l’action menée?
Ce n’est que par la non-reconduction d’un mandat que l’on peut déterminer le degré de confiance ou l’épaisseur de la méfiance. S’interdire le retour devant le peuple revient à nier une dimension importante de l’expression souveraine. Peut-être Benoît Hamon peut-il justifier intellectuellement cette amputation mais pour l’instant, sur ce point, son programme demeure muet.
Le 49-3 citoyen est une idée qui lui est propre et à laquelle il semble croire très fort puisqu’il l’expose à chaque occasion qui lui est donnée de le faire. Elle s’exprime facilement: il s’agit de donner à 1% du corps électoral le pouvoir d’imposer par la pétition au Parlement l’obligation d’examiner une proposition de loi citoyenne, ou bien de soumettre à référendum une loi votée mais donc contestée par une partie des citoyens.
La mécanique elle même est-elle correctement pensée? 1% du corps électoral, c’est environ 450.000 personnes. Un seuil très bas pour n’importe quel parti d’opposition qui pourra ainsi perturber ou gripper facilement le fonctionnement du gouvernement. Ce simple détail laisse penser que l’idée a été adoptée, encore une fois, sans une véritable étude de faisabilité, juste par que le son qu’elle rendait était sympathique, et apparaissait moderne.
Sur le fond, que veut dire une telle proposition? Que le choix du suffrage universel doit être discuté en permanence? Tous les jours? Tout le temps? Que le temps de la campagne électorale doit être permanent?
Que gagneraient la société et la démocratie à cette mise sous tension perpétuelle? Un pays complexe, comme le sont toutes les démocraties où s’expriment les interêts les plus divers, peut-il être dirigé de la sorte? Existe-t-il un pays au monde, une région, une commune, ou de telles tentatives ont vu le jour? Si oui, quel bilan en a -t-on tiré? Si non, la réflexion a-t-elle été très poussée sur cette question? Et a-t-elle été consignée quelque part pour que nous puissions jauger de sa pertinence?
Oui, vraiment, un programme, c’est juste une musique. Souvent d’ailleurs, celle que nos oreilles veulent entendre. Si on aime l’émetteur, on ne regarde pas dans le détail, on ne pose de questions. Et c’est souvent une grande erreur…
PS 1: Évidemment, si Benoît Hamon voulait répondre aux points soulevés ici, je publierai d’éventuelles précisions ou remarques.