Deuxième débat de la primaire des Républicains, jeudi soir, et beaucoup d’enseignements dans cette scène politique particulière.
Il faut d’abord noter la vertu d’une primaire organisée par un parti politique et ouverte aux citoyens. Comme il est de bon ton de tout critiquer, cette consultation électorale a été dénigrée. A l’usage pourtant, elle apparaît utile. Quand une communauté politique bénéficie d’un leadership incontestable, elle est évidemment superflue. Mais quand l’autorité est contestée, sujette à discussion, alors il est sage de s’en remettre aux urnes plutôt qu’à un comité Théodule pour désigner son représentant.
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L’un des formidables atouts d’une primaire, c’est l’égalitarisme qu’elle produit. Sur la scène de la salle Wagram jeudi soir, comme voilà quinze jours sur le plateau de TF1, l’effet était saisissant. La confrontation nivelle, oblige chacun à délaisser ses titres et ses galons pour entamer un dialogue afin de convaincre.
Du coup, une formidable démonstration se déroule devant nos yeux. Un ancien président de la République, deux anciens premiers ministres, trois anciens ministres, s’apostrophent et se contredisent sans beaucoup de précautions oratoires, et dans le tutoiement. Il s’est dégagé de l’ensemble une impression d’authenticité, de simplicité, que la politique française produit assez peu souvent.
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Le débat s’est ordonné d’une manière inattendue. Les plus jeunes des participants, Bruno Le Maire, Nathalie Kosciusko-Morizet, Jean-Francois Copé, ont mis en cause à plusieurs reprises le bilan de l’action menée par Nicolas Sarkozy à la tête de l’Etat entre 2007 et 2012. Jamais auparavant une telle critique n’avait été entendue publiquement de la part même de ceux qui avaient participé au gouvernement durant cette période.
Ces attaques ont placé Nicolas Sarkozy au centre des débats, ce qui a visiblement réjoui ses partisans. Ce narcissisme ne doit pourtant pas dissimuler le péril que cela représente pour l’ancien président de la République. Ces attaques répétées rappellent qu’il a été et qu’à ce seul titre, il est difficile de vouloir être encore. La logique des groupes humains, et peut être même celle de la vie tout simplement, c’est de tourner les pages, d’avancer, et malgré lui, Nicolas Sarkozy ramène les Républicains en arrière, et pas de manière positive puisque, comme l’ont cruellement dit Bruno Le Maire et Jean-François Copé, c’est la défaite qui a interrompu l’action.
De manière périphérique, ce déroulement du débat chez les Républicains peut susciter quelques angoisses chez François Hollande. Bien que président en exercice, il a accepté l’idée de participer à la primaire des socialistes qui se déroulera les 22 et 29 janvier prochains. Une première mondiale pour un président sortant.
Evidemment, ce qui s’est passé chez les Républicains se reproduira chez les socialistes. Avant même d’exposer leurs projets, les participants tomberont sur le paletot de Hollande, lui demanderont des comptes, l’accuseront de trahison et de toutes les horreurs qui leur passeront pas la tête. Alors même que la primaire n’a de sens que si elle renforce et légitime, elle aura l’effet inverse pour le parti au pouvoir, confronté à un problème incongru de leadership puisque précisément l’un des siens gouverne le pays. C’est dire si le PS, et d’ailleurs la gauche dans son ensemble, est mal parti dans cette élection présidentielle.
Retour à la salle Wagram. L’effet a été mécanique: puisque Nicolas Sarkozy était au centre des attaques, Alain Juppé a passé une soirée tranquille. Les participants ont bien essayé de l’embêter avec François Bayrou, de dénoncer des promesses qu’il aurait pu lui faire et des engagements qu’il aurait pris à son égard, le maire de Bordeaux s’est sorti du guêpier sans trop de difficultés. Du coup, il a paru serein, un peu en altitude, à l’exacte hauteur à laquelle il pense que doit se situer un futur chef de l’Etat.
Ce débat, probablement, ne lui a rien rapporté, si ce n’est un peu d’ennui. Il n’aurait pas été là, la soirée ce serait déroulée de la même façon. Ceci peut froisser son ego mais rassurer ses partisans. Sans en faire trop, voire en faisant presque rien, Alain Juppé préserve ses chances de décrocher la timbale.
C’est sans doute plus difficile pour François Fillon. D’une certaine manière, jeudi soir, personne ne s’est intéressé à lui. Il n’a été happé dans aucune polémique. On n’a pas retenu de sa part un bon mot, une formule. Comme toujours, il est intervenu avec solidité, rigueur, mais dans une forme de tristesse particulièrement visible sous l’œil grossissant des caméras.
L’organisation d’une primaire peut présenter beaucoup d’avantages pour un parti politique, au delà même de son objectif initial de désignation d’un candidat. Les plus jeunes de ses membres se trouvent en situation de montrer publiquement leurs qualités intellectuelles et leur solidité morale dans les conditions exigeantes d’un débat public retransmis par la télévision. A ce jeu, Nathalie Kosciusko-Morizet a mieux exposé à Wagram qu’elle ne l’avait fait à TF1 son sens de la répartie, son envie et peut être son plaisir de monter au front, bref des qualités indispensables pour qui prétend jouer, un jour, les premiers rôles.
De la même manière, Bruno Le Maire est apparu plus solide que lors du précédent débat, ce qui tend à démontrer une nature désireuse et capable d’apprendre. Quand à Jean-François Copé, il est difficile de le juger vraiment. Sa décontraction publique et nouvelle témoigne d’une libération intérieure dont l’intensité indique qu’il court après d’autres objectifs que ses camarades.
Un mot enfin, de Jean-Frédéric Poisson. Il a paru un peu dépassé par les événements, les dossiers et les débats. Une preuve supplémentaire que dans les affrontements fratricides que provoque une primaire, rien ne se masque et tout se voit.
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